ON Y ETAIT…

(Juge : Mme J. VOGHAN-JONES - GB

  

Quelle belle journée… Riche en émotions… Quel pari osé que d’aller défier les Anglais sur leur territoire… Quelle audace pour nous les français que d’oser présenter des Skyes bien de chez nous sur le territoire de leurs ancêtres…

Nous avions la peur au ventre ! Et si on se trompait ? Après tout, qu’avions-nous comme point de comparaison sur notre territoire ? Les quelques Skyes terriers que nous rencontrons tout au long de l’année ?

Nous avions envie d’émotions, c’est vrai, mais envie d’avoir aussi un regard avisé et extérieur sur nos chiens…

Un avis différent de ceux que nous pouvions avoir d’habitude, envie de voir un maximum de chiens et de discuter avec de vrais passionnés, des gens vrais qui veulent évoluer et qui ne voient aucun inconvénient à ce que les autres évoluent aussi… bref d’en prendre plein la vue, de nous ressourcer…

64 Skyes inscrits, nous n’avions jamais concouru avec autant de chiens, pas même le plus audacieux championnat du monde ne peut nous proposer autant d’inscriptions de Skyes terriers en même temps !

Un vrai challenge, un vrai combat où nous allions avec la ferme intention de nous classer car gagner, nous pensions que c’était un pari un peu fou mais pourquoi pas après tout....

Nous avions sélectionné nos chiens méthodiquement en fonction de leur type, de leurs aptitudes, de leur amour du ring…

Nos choix se sont portés sur

Viceroy, bien sûr, « le  Papé », pour lequel nous voulions un des derniers tours d’honneur pour la gloire car à 12 ans qui peut dire ce que sera demain…

Sa fille Roxane, car elle est pour moi, la plus belle chienne du moment ;

Vici car nous croyons dur comme fer en ce petit bonhomme au palmarès foudroyant à tout juste 16 mois ;

Superstar qui a lui aussi prouvé ses grandes qualités en devenant multi champion, très jeune ;

Régliss’ qui a fait son bonhomme de chemin envers et contre tous et qui est à la tête de nombreux titres de champion, mon fils de cœur, le digne fils de son père ;

Säshkä, notre fille adoptive qui est pour nous plus qu’une superbe chienne ;

Et Margotte (Celtic Flash) la petite dernière, qui bien qu’elle ne soit pas une « Vallées Engissoises », est la digne fille de notre Maset’ (BOS CRUFT 2003)…

Car nous pensons plus que jamais qu’il est, effectivement plus facile de gagner des championnats du monde déserts, des expos faciles où la concurrence est moins rude et qu’il est surtout plus facile de gagner sous des juges que nous rencontrons tous les jours. Nous avions envie de voir autre chose, d’être jugés par des gens qui ont l’habitude des gros effectifs de Skyes, qui donc sont à même de mieux les connaître et qui pourraient nous donner quelques conseils afin de nous améliorer encore et encore…

C’est pour cela que nous allons chercher ailleurs d’autres enjeux qui sont les seuls qui nous permettront d’évoluer…

Notre journée a été longue.

Nous nous sommes présentés au contrôle des formalités animalières avant d’embarquer. L’an dernier, nous n’avions pas pu embarquer et donc participer à la CRUFTS car un des documents n’était pas fait en bonne et due forme.

Autant vous dire que cette année, nous appréhendions un peu…

Tout a été très vite : le Shuttle, la route sur le territoire Anglais et une entrée à l’exposition à 6 heures du matin.

Nane était, elle aussi, du voyage. Je ne la présentais pas car elle n’était pas qualifiée (ne participe pas qui veut à la CRUFTS, il faut être qualifié auparavant soit en étant champion soit en ayant remporté avec brio une des douze expositions réparties dans le monde entier qualificatives pour la CRUFTS). En effet, Nane me suit partout car elle m’est viscéralement attachée et ne supporte pas d’être séparée de moi…

Durant cette journée, « Le Papé » a été l’attraction. Les juges américains, Zaphiris (gagnant du groupe avec son Skye Oliver à l’exposition de Westminster), Sanders et un autre étaient venus voir notre Viceroy car ils avaient suivi sa carrière, son histoire et voulait l’utiliser en saillie.

Mon Roy pressenti pour une saillie sur une chienne américaine, qu’est ce que j’étais fière… Ils ont été impressionnés par ce chien qui, du haut de ses douze ans, présentait encore toutes les qualités d’un chien d’exception.

M. Zaphiris a appelé un autre juge finlandais au téléphone, Madame K. SAINIO (Skyeline’s), qui voulait elle aussi utiliser mon chien sur une de ses chiennes. On me l’a passée au téléphone. Une dame charmante qui m’a dit qu’elle avait beaucoup entendu parler de moi, de mon travail et qu’elle me félicitait. Elle avait entre 1 et 5 chiennes à marier avec Roy. Ils me paieraient tous les frais mais il fallait que j’aille dans les plus brefs délais faire congeler du sperme de Roy à Maisons-Alfort. C’est ce que je ferai très prochainement, donc. Nous allons travailler aussi en semence réfrigérée et peut être que Madame SAINIO, en personne, viendra sur place avec ses chiennes afin de faire des saillies naturelles. Ils attendent beaucoup de ces mariages… Moi, j’ai juste négocié en échange des paillettes de sperme du père de Roy, le bel Oliver que je marierai prochainement, si tout va bien avec Roxane… Toute la portée sera placée uniquement chez des juges étrangers et je garderai bien sûr une fille… mais c’est l’avenir … Je trouve cela tellement fantastique. On allait me donner à moi, petite éleveuse française, habituée à me battre pour défendre mes idées contre de piètres personnes, enfin la chance de tourner dans la sphère des plus grands de ce monde. Cette chance là, elle ne se représentera pas deux fois et c’est pour cela que je vais la saisir maintenant… Puis Otto Kral (Skyeomania') est venu aussi, interpellé par les juges américains pour donner son avis sur Roy ; il a beaucoup flashé sur notre Roxane, puis ce fut le tour de R. Kanas (Flanagan) qui lui, eu l’attention retenue par notre Vici, qu’il a examiné sous toutes les coutures. Dur, dur la barrière de la langue mais sa moue admirative me fit comprendre que « Le Tchi’ » était bien à son goût, ma foi…

Nous avons eu une longue attente avant de pouvoir fouler le ring vert tant attendu et source de tant d’émotions…

C’est « Le Papé » qui a ouvert la danse. Les juges américains étaient là avec leurs caméras et appareils photos. Je me sentais si fière que mon chien, celui que j’avais sauvé de la mort six ans auparavant, celui qui avait été décrié par certains éleveurs français, suscite autant d’intérêt.

Je le savais, moi, quand je l’ai vu pour la première fois, mon chien, qu’il faisait partie de la race des seigneurs.

La juge a été subjuguée par la prestance de ce vétéran qui du haut de ses douze ans semblait voler sur le ring. Il était tellement gracieux, majestueux, loin de ces chiens lourds et sans élégance…

Un examen en bonne et due forme. Un compliment sur sa musculature de jeune homme, intacte, sur sa dentition préservée malgré l’âge, sur sa couleur noire teintée d’argent par les ans et son opulente toison, par ses yeux de braise vifs comme les éclairs et son excellente tenue…

La marche, les aller retour, le triangle, tout, il a tout fait comme un jeune homme fringant Une dernière ligne en statique parmi les concurrents et une victoire.

Il avait gagné, mon homme, mon amour, mon bébé venait de gagner la classe vétéran de la CRUFTS…

Un long baiser, qui me permit d’enfuir mon visage dans ses poils…

Il ne fallait pas que je craque… mais je sentais mes yeux s’embuer, ma gorge se serrer :

« Tu vois mon fils, on les a eu, tu les a tous bluffer, je t’aime, merci… »

En sortant du ring, M. G. Zaphiris m’a pris la main.

« Merci » m’a-t-il dit,

« Merci pour cette qualité de prestation, c’est vraiment formidable, c’est un grand chien, merci… »

Tout a été très vite ensuite. « Le Tchi’ » est entré.

Va mon bébé, va, bats toi… Il avait l’air si jeune parmi les autres. 16 mois c’est encore un bébé, mon « Tchi’ ».

Il m’a fait honneur cependant.

Je l’ai dévoré des yeux…

Il n’a pas failli à sa tache le môme.

La concurrence était de taille.

Le premier était un excellent chien déjà plus mature, malgré son âge, que mon chien, il a mérité sa victoire. Il était beau.

Le deuxième, pas mon style mais à la CRUFTS au milieu des gens « fair play », on accepte, on discute, on commente, c’est tellement plus agréable de comprendre et de pouvoir partager des points de vue différents sans s’étriper…

Puis mes deux champions de fils sont entrés. Régliss’ et Superstar, mes petits, sont entrés, présentés par leurs maîtres, très fiers…

Ils se sont classés eux aussi honorablement : chapeau, mes gamins…

Roy est rentré à nouveau pour le ring d’honneur en compagnie des gagnants de chaque classe, un grand moment…

Puis est venu le tour de nos nanas…

Margotte, la benjamine, fille de Maset’, se classera deuxième après une prestation de choix, nos deux aînées sont entrées après…

La juge a beaucoup regardé Roxane, l’a beaucoup examinée, l’a beaucoup appréciée mais ne l’a pas classée… Mais parmi 14 chiennes il faut faire un choix, peut-être pas son style ? Peut-être avais-je aussi déjà largement remporté ce que je devais remporter ; ce sera pour la prochaine fois.

Elle a été très remarquée par toutes sortes de gens, de diverses nationalités… et c’est ça le plus important…

Notre Säshkä se classera parmi les premières. Notre petite « Kakoune des bois », elle aussi est entrée dans la sphère des meilleurs chiens de la CRUFTS. Chapeau, la gamine, elle a défendu avec brio les huit titres dont elle est détentrice…

Nous avons même eu des demandes de chiots sur notre Nane, qui était pourtant réfugiée au fond de sa cage et qui comptait bien assister au spectacle seulement en visiteuse…

L’éleveuse « Misting’s » de Finlande souhaiterait un chiot de notre poupée blonde mais la belle ne reproduira pas avant trois ans. A suivre, donc…

Nous sommes repartis avec des souvenirs plein la tête…

Merci à vous Messieurs les juges pour cette part de rêve ;

Merci à nos chiens, véritables acteurs de ce conte de fées ;

Merci à mes amis, qui, de par leur présence, ont permis à l’élevage des « Vallées Engissoises » d’être le seul représentant des Skyes terriers français à l’une des expositions les plus prestigieuses au monde et de pouvoir montrer Outre Manche le résultat d’un travail de seize ans ;

Merci à Philippe, mon mari et complice, pour son soutien et son aide quotidienne ;

Merci à Jordann, mon fils, mon «dog sitter» privilégié ;

Merci à Maëva, ma fille, pour son aide précieuse ;

Car… sans eux, rien n’aurait été possible…

Je dédie cette belle journée à ma chienne Whimzy qui aurait été fière de son ami de cœur, Roy et fière de son arrière petit fils, Vici…

Plus que jamais, ma chienne m’avait pendant toute cette journée, hantée et son absence me semblait la plus horrible des injustices de ce monde.

Alors, à toi, ma belle Whimzy, je dédie cette journée, afin que personne ne t’oublie, toi non plus ; je reste d’ailleurs intimement persuadée que tu aurais été à ta place, toi aussi, à la CRUFTS si la vie t’en avait laissé le temps…